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Ne jamais oublier

  • Photo du rédacteur: Loïck RL
    Loïck RL
  • 12 mai 2019
  • 4 min de lecture

    "Je n'ai pas de suite compris ce qui se passait. Ça fait maintenant quelques jours que je suis enfermée dans cet ancien château médiéval avec à peine assez d'eau pour boire. Je n'ai pas d'autre choix que de faire mes besoins dans ma propre cellule. L'odeur est insupportable et irrespirable. J'entends des cris venant d'un peu plus loin dans le couloir. Terrifiant au début, j'essaye de ne plus y prêter attention depuis. De toutes façons, je sais que mon tour viendra un jour. Je ne sais pas quoi faire, je n'ai même pas d'information à leur donner. Une clef pénètre dans la porte métallique. Cette dernière s'ouvre dans un grincement strident et deux hommes me saisissent par les bras pour me transférer ailleurs. Un souffle d'air frais passe sur mon visage. C'est si doux, je remplis mes poumons avec ce précieux oxygène. Mais mon plaisir est de courte durée et on me jette dans une grande pièce. Elle est plus lumineuse que la précédente et je discerne sans mal les jambes des personnes qui m'entourent. Je tent en vain de me relever, je n'ai pas assez de forces. Deux autres hommes m'attrapent par les poignets, me soulèvent sans difficultés, et m'attachent à une chaîne accrochée au plafond. Le métal est vraiment froid. Suspendue ainsi, les pieds au sol et les bras en l'air, ils m'observent. L'un d'entre eux s'approche. Il m'arrache mon t-shirt. Il prend ma ceinture, je sens son pouce cagneux contre ma hanche, et il me baisse mon pantalon avec violence. Je comprends sans mal ce qu'il compte faire. Nue et pendue comme un porc, je m'agite comme pour me sortir de là, mais rien n'y fait. Un liquide coule sur mon bras. Je lève les yeux et remarque que l'anneau en fer rouillé autour de mon poignet rentre dans ma chair. Il me regarde en souriant. Je trouve la force depuis ma gorge sèche de lui cracher au visage. Il me gifle. Des larmes coulent sur mes joues malgré moi, mais je ne baisse pas les yeux face à celui qui dans peu de temps va satisfaire ses plus vils instincts. Comment les hommes peuvent-ils faire ça ? Il continue à me regarder en souriant. Il ne bouge pas. Mais qu'est-ce qu'il attend putain ! J'entends des pas arriver derrière moi, et quelqu'un me passe les jambes dans une espèce de culotte large avec une grande poche à l'avant. Il repart et revient avec un chat. Mais qu'est-ce qu'ils font ? Il le met dans la "culotte". L'animal, aussi perdu que moi, miaule. Je sens cette boule de poils contre mon pubis bouger. L'homme face à moi me regarde toujours avec ce même air amusé. Il me montre alors ce qu'il tient dans sa main et que je n'avais pas encore remarqué : un bâton en bois d'environ un mètre de long. Tout va alors très vite. Je réalise juste ce qui va se passer que le premier coup tombe. Pas sur moi, mais à mon entre-jambe. Le chat pousse un cri et commence à se débattre. Ses griffes s'enfoncent dans ma peau et me l'arrachent. Je hurle. Je vois le bâton reprendre de l'élan et à peine ai-je le temps de paniquer qu'il est trop tard. Une griffe accroche ma lèvre et je la sens se déchirer. Une décharge électrique me parcourt tout le corps remontant le long de ma colonne vertébrale jusqu'à ma nuque. Je suffoque, mes poumons ne peuvent se vider. Au troisième coup j'entends les os de l'animal craquer. Je ne sais même plus où j'ai mal. Un immense feu me brûle entre les cuisses. Je commence à m'évanouir, mais j'aimerais mieux mourir. La tête pendante vers le bas, je regarde mon ventre. Je suis désolée, j'espère que tu ne connaitras jamais ce monde-là. Je voulais seulement changer de pays pour que tu naisses avec un avenir meilleur que celui qui t'était promis ici."



    Cette histoire est une fiction, mais le contexte est réel. En Albanie, jusqu'à la fin de la dictature en 1992, toutes les frontières étaient fermées et surveillées. Les personnes n'avait pas assez à manger, et celles et ceux voulant fuir le pays et qui étaient attrapés étaient incarcérés. Des prisons ont été aménagées dans des anciens forts et châteaux (tel que Gjirokastër par exemple). La torture était pratiquée. Grâce aux témoignages des survivants à la fin de la chute du régime communiste, une liste de 35 tortures pratiquées à l'époque a pu être dressée. L'une d'entre elles, essentiellement faite sur les femmes et décrite ici, consistait donc à mettre un chat dans un genre de grande culotte et de le frapper. L'animal en panique sortait les griffes et se débattait.

Ce régime était soutenu par l'URSS. Au Chili, pays dont la dictature était soutenue par les États-Unis, le même genre d'horreur était fait.

    On se sent souvent peu touché par tout ça, car ou c'est loin géographiquement ou c'est loin dans le temps. Dans les deux cas il est dur de se projeter. Mais cette histoire c'était hier, et c'était à 30 minutes de l'Italie, à côté de chez nous. À l'heure où nous pouvons faire des choix, n'oublions pas que nous sommes encore proches de ça, et que selon ce que l'on fait et pour qui on vote, tout peut revenir très vite.




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