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Chapitre 9 : Une nouvelle année commence

  • Photo du rédacteur: Loïck RL
    Loïck RL
  • 17 janv. 2019
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 18 janv. 2019

Les jours s'écoulent paisiblement dans l'auberge de jeunesse. Je vois des nouvelles personnes arriver, d'autres s'en vont, voire comme James rentrent chez eux. Les fêtes approchent et avec Susan nous commençons à prévoir notre repas de Noël Franco-Germano-Polonais. Finalement, la semaine précédant le 24 Décembre de nombreux nouveaux touristes arrivent et se joignent à notre initiative de repas international. Et c'est ainsi que nous partageons un repas du monde entier avec un Allemand, un Américain, une Israélienne, une Espagnole, un Français, une Péruvienne, une Allemande-Polonaise et moi. Chacun d'entre nous a préparé un plat typique de son pays, en ce qui me concerne ce sera vin chaud et bûche de Noël. J'étais en effet dans l'obligation de leur faire comprendre qu'en France nous mangeons un gâteau en forme de bout de bois sans être fous. C'est, par ailleurs, la première fois pour nous tous que nous passons cette fête loin de nos familles respectives, et il règne ainsi une chaleur humaine belle et prenante, un esprit de partage et de rire, un esprit de Noël. Nous avons tous conscience que cet instant est unique et que chaque minute compte. À minuit, comme un clou du spectacle, des feux d'artifice sont lancés. Mais ici, ce n'est pas comme en France. Ici, les habitants de Cusco achètent leurs propres feux d'artifice et les allument tous en même temps depuis les rues ou depuis chez eux. Le résultat, certes quelque peu dangereux, n'en est pas moins magnifique. C'est toute la ville et les collines avoisinantes qui s'illuminent pendant une quinzaine de minutes en nous offrant un spectacle à 360°. Grandiose. J'ai malgré tout un petit pincement au cœur. C'est de fait lorsque quelque chose vient à nous manquer qu'on prend conscience qu'il est précieux et qu'il nous manque. Ainsi, après avoir passé mon anniversaire et Noël sans voir ma famille autrement que par écrans interposés, je me rends compte de la distance qui nous sépare. Mais bon, ça fait partie de l'aventure.     La semaine qui suit Noël n'est pas très excitante. Après avoir croisé tant de touristes malades dans l'hôtel, j'ai fini par y passer moi aussi. Je reste donc cloué au lit avec de la fièvre pendant cinq jours, et par un mélange de chance et de volonté je me rétablis pour le 31 Décembre. Il est de toute façon hors de question de passer le nouvel an malade. Je sors donc de mon état de figurant de Walking-Dead petit à petit, pour participer à notre deuxième repas international de cette fin d'année. Cette fois, avec un groupe légèrement différent de la semaine passée, nous partageons des tacos. Nous respectons également la tradition des grains de raisin. Ici il faut donc manger 12 grains de raisin durant la soirée, chaque grain représentant un souhait pour un mois de la nouvelle année. Nous allons sur la place principale peu après, et à minuit c'est un deuxième spectacle incroyable qui se déroule sous nos yeux. Cette fois, les Cusquéniens n'allument pas leurs feux d'artifice depuis les différentes rues, mais essentiellement depuis le centre-ville. Nous sommes ainsi au milieu de cet embrasement coloré. Puis, tous commencent à marcher pour faire le tour de la place. Je demande à un Péruvien pourquoi ce mouvement de foule, et il m'explique que c'est pour porter chance pour l'année à venir.

    Ma découverte de la vie cusquénienne se poursuit par un rituel inca un soir. Un ami rencontré quelques semaines auparavant me dit que certains jours des Péruviens se retrouvent aux pieds d'un ancien temple en centre-ville. Sans hésitation aucune, je saute sur l'occasion pour découvrir un peu plus ce reste de culture pré-hispanique. J'arrive alors dans un parc en bord de route avec quelques ruines de constructions incas dominées par le somptueux temple du soleil. Une petite centaine de personnes attendent autour d'un cercle de pétales de fleurs dessiné sur le sol. En regardant plus attentivement, je me rends compte que je suis le seul touriste. Et pour cause : il est interdit de prendre des photos ou des vidéos, et les dates de ces rituels ne sont indiquées nulle part. Cette célébration est beaucoup moins célèbre et grandiose que l'Inti Raymi (fête pour le solstice d'hiver en Juin), mais elle est aussi beaucoup plus authentique. Des personnes habillées en tenues traditionnelles pénètrent dans le cercle de fleurs en chantant, en jouant de la flûte de pan et en faisant vibrer l'air et les corps avec leur conque. Ils commencent à parler en quechua. Bien évidemment je ne comprends rien, mais il me suffit de faire exactement comme les autres pour comprendre ce qui se passe et passer presque inaperçu. Tout d'abord on nous distribue une sorte de mélange d'huiles essentielles de plantes qu'il nous faut passer sur nos mains avant de le respirer intensément. Ensuite nous remercions quatre montagnes sacrées situées aux quatre points cardinaux, puis le ciel et les étoiles, et enfin en nous agenouillant et en plaçant les mains contre le sol nous remercions la mère terre, Pacha Mama comme ils disent. Les vapeurs de l'extrait de plantes ajoutées à la pénombre de la nuit me font vite planer. J'ai l'impression de ressentir la rotation de la Terre, de sortir de mon corps, de m'envoler dans le ciel et de pénétrer dans le sol. L'herbe sous mes mains palpite, je la sens vivre, je me sens vivre. Je tiens quand même à préciser que le but premier de ma venue n'était absolument pas de me droguer. Finalement les effets des plantes se dissipent rapidement en une quinzaine de minutes et je rigole en comprenant ce qui vient de se passer. Quelques instants plus tard et après nous être levés, un prêtre passe nous distribuer trois feuilles de coca liées entre elles par de la cire et ornées d'un pétale de fleur. Nous devons tenir ceci des deux mains et à la verticale. Je regarde les autres pour anticiper la suite des événements. Quatre feux sont allumés et entretenus par quatre prêtres, et chacun à notre tour nous devons aller auprès d'un d'entre eux, jeter notre composition florale dans les flammes, avant que le prêtre nous dise quelque chose et nous touche le front avec son pouce. Quand je réalise qu'il va me falloir brûler mes feuilles de coca fleuries, je fais un pas en arrière et m'éclipse discrètement de la foule. Je tente peut-être de m'intégrer à la culture péruvienne, mais je compte bien garder ces feuilles en souvenir et les coller dans mon carnet de voyage. Tant pis, je ne serai pas béni, mais bon ce ne sera pas la première fois après tout... Le rituel se termine par un prêtre qui passe nous donner du maïs et du fromage.

    Je poursuis ma découverte des rituels religieux par un baptême. En effet, Gabriela  la propriétaire de l'hôtel avec qui je suis devenu bon ami, va faire baptiser sa fille et voudrait que je vienne. Je suis particulièrement touché par l'invitation et accepte avec grand plaisir. Cette fois-ci personne ne me fait respirer d'huile essentielle qui fait tourner la tête, mais j'assiste à une messe classique dans une petite église du quartier. Tout le monde a sorti ses plus beaux habits : les femmes ont sorti de magnifiques jupes andines et fait de superbes tresses, les hommes se sont vêtus de belles chemises. J'ai fait de mon mieux moi aussi, mais avec 4 tshirts et 3 pantalons dont un sarouel, l'hésitation fut de courte durée et le résultat modérément chic. Tant pis, je n'ai pas été invité pour faire un défilé de mode. On se retrouve après le baptême chez Gabriela avec les familles des deux parents, et on partage la traditionnelle soupe andine pomme de terre-coriandre. On commence à danser mais malheureusement je dois retourner à l'hôtel pour travailler cet après-midi et cette nuit.

    Je terminerai ma découverte de la région par la montagne des 7 couleurs et la vallée rouge. En 2012, lors de ma première visite du Pérou, elle ne se faisait pas. En effet jusqu'à il y a une dizaine d'années elle était recouverte par la neige. Depuis, avec le réchauffement climatique la neige a fondu, et suite à une publication du National Geographic la classant comme l'un des 100 endroits à voir avant de mourir des agences de voyage se sont mises à proposer des excursions en 2016. Située à 5000m d'altitude que l'on rejoint en voiture, la montagne arc-en-ciel porte bien son nom : une superposition de sédiments depuis quelques millions d'années ont permis de créer ce mille-feuilles coloré. Absorbé par la contemplation du paysage, j'entends tout d'un coup derrière moi quelqu'un dire "Loïck c'est toi ?". Les Français connaissant mon prénom au Pérou ne sont vraiment pas fréquents, je me retourne donc interloqué. Je découvre alors Alexandre, un ami avec qui j'ai passé ma première année aux Mines quand lui était en deuxième année. Cela faisait un an et demi qu'il étudiait au Brésil, et maintenant qu'il a fini son master il voyage pendant un mois au Pérou et en Bolivie avant de rentrer en France. Le hasard a fait que nous nous sommes croisés ici, dans une vallée aux alentours de Cusco. L'expression "seules les montagnes ne se rencontrent pas" prend aujourd'hui tout son sens pour moi. Nous nous revoyons dans la semaine qui suit, avant qu'il ne reparte pour poursuivre son périple.

Quant à moi, je commence à me préparer pour rejoindre le Chili en fin de semaine. Là-bas, après trois mois et demi de voyage m'ayant paru être six mois tellement tant de choses se sont passées, je vais retrouver mes parents. C'est donc le sourire aux lèvres que je fais petit à petit mon sac, rêvant déjà à ma prochaine destination.

2 Comments


manue.talamoni
Jan 24, 2019

Ciao, je croyais que ta famille serait avec toi pour la fin de l'année ... mais finalement tu n'étais pas tout seul mais plutôt bien entouré par "des amis du monde " !!!!

Savoure tes retrouvailles avec ta famille.... et à bientôt dans tes belles pages !!!!


Ciao ciao

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jeanmichelannick
jeanmichelannick
Jan 18, 2019

Vivement la semaine prochaine pour être avec toi

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